Chaïm Helka, Sarasqueta
RomanNovellaRoman noir
160 pages
a paru le 4 novembre 2021
ISBN 978-2-3588-7802-9
Chaïm Helka

Sarasqueta

RomanNovellaRoman noir
160 pages a paru le 4 novembre 2021 ISBN 978-2-3588-7802-9
RomanNovellaRoman noir
160 pages a paru le 4 novembre 2021 ISBN 978-2-3588-7802-9

1939. Ce devait être pour l’homme quelques heures de solitude au cœur de paysages rudes et escarpés, une parenthèse de fin de journée, une partie de chasse sous le soleil écrasant d’Espagne. Mais l’inconnu en noir apparut au loin, mystérieux et implacable, son fusil à la main. Et l’homme comprit que la cible, c’était lui. Commença alors une curieuse traque, de celle à laquelle on ne peut se soustraire, une poursuite sans issue. Restait à l’homme à comprendre pourquoi, et si un jour, il n’avait pas lui-même, sans le savoir, ouvert cette porte qui menait aux enfers.

Sarasqueta est le récit d’une chute, des secrets enfin révélés et des comptes que l’on doit rendre un jour. Avec ce roman, poétique, hypnotique, Chaïm Helka nous conte l’histoire d’un face à face inexorable avec la mort et des dettes que l’on finit toujours par payer.

  • Passionné de boxe anglaise et de rap, Chaïm Helka est né en 1975. Aujourd’hui, il vit et travaille à Dijon. Ses influences littéraires vont de Louis-Ferdinand Céline à Charles Bukowski et il cite parmi les livres qui l’ont le plus marqué, Phèdre, de Racine, et Madame Bovary, de Gustave Flaubert.
  • Revue de presse
    Le suspense de sa teneur est habilement tenu jusqu’à la fin.
    Tout cela est servi par une plume d’une irréprochable musicalité qui nous entraine inexorablement au cours d’un récit qu’on se surprend à espérer plus long. Découvrez l’intégralité de cette chronique.
    Un chouette moment d’évasion. Une interview à (ré)écouter, à 19 minutes et 45 secondes.
    C’est un roman que tu pourras lire à voix haute, tellement quelques-unes de ses lignes évoquent certains de tes poèmes préférés. [...] Que te dire de plus, sinon de foncer chez ton libraire préféré, pour aller le chercher. Découvrez ici l’intégralité de cette chronique.
    Un roman à huis clos, pourtant au cœur de la nature, qui nous rappelle combien nous sommes redevables de nos actes et, tout d’abord, vis-à-vis de nous-mêmes.
    Le genre de livre qu’il est difficile de refermer une fois commencé. [...] Une œuvre prenante, cruelle et poétique.
    Une grande noirceur servie par une plume douce.
    Découvrez ici l’intégralité de cette chronique.
    Roman étrange et envoûtant, avec une fin originale et surprenante, Sarasqueta est une belle découverte, empreinte malgré le drame qu’elle porte, d’une certaine charge poétique.   Retrouvez ici l’intégralité de cette chronique.
    Un roman coup de poing qui n’a nul besoin de s’épancher pour impressionner. Si on peut y voir un exercice de style, il est réussi. Retrouvez ici l’intégralité de cette chronique.
    Un livre très étonnant, très court, qu’on prend comme un uppercut. Retrouvez ici l’intégralité de cette chronique, à partir de 39:10.
    Un texte ramassé, d’une poésie sombre, l’histoire d’une chasse à l’homme.
    De cette lente et envoûtante descente aux enfers, tout le monde ne sortira pas indemne.
    Ce qui est remarquable, outre l’étrangeté de l’histoire, c’est l’écriture sophistiquée empreinte de poésie et de noirceur. Les phrases sont ciselées.   Retrouvez ici l’intégralité de cette chronique.
  • Il avait fait l'Amérique

    En se réveillant, tous les muscles d’Alfonso se raidirent, et ses mains, dans un réflexe de survie, se plaquèrent contre la roche pour en vérifier la réalité. Ce mauvais rêve l’avait ensuqué autant qu’une lourde sieste.

    Non loin, Nando continuait d’aller et venir.

    Ses doigts aux ongles noirs étalèrent le tabac sur la feuille et il prit soin que pas un seul brin ne vienne à se perdre. Sa langue peignit une bande de salive qui acheva de confectionner sa cigarette. Il remisa sa vieille tabatière en cuir craquelé dans sa gibecière, dont il retira une boîte d’allumettes. La flammèche dévora l’arrondi de soufre, tabac et le papier s’abîmèrent en un fugitif amalgame de noir et de gris. À l’aspiration, ses joues se creusèrent et ses poumons se gonflèrent de goudron.

    Prenant le temps de déguster chaque bouffée, Alfonso se préparait à un rituel imperturbable : chasser durant une heure, un peu plus peut-être.

    Un souffle, toujours le même, attendu et pourtant surprenant, se manifesta. L’air chatouilla sa nuque, bruissement froid ou chaud, jamais entre les deux, persuadé qu’il était qu’une invisible paire d’yeux l’examinait, tatillonne, sous toutes les coutures. Cela se logeait dans sa poitrine, le semonçait, continuelle contemptrice qui l’invitait à la confession… Pourtant, Alfonso aimait ce souffle, et ce quelles qu’en soient ses origines.

    Face à lui, au pied du versant : ses terres. Cet hectare, enchevêtré dans la montagne, jouxtait un chemin pierreux menant au village, plus bas, à une heure de marche.

    De son minuscule promontoire, il pouvait contempler à loisir ses oliviers et ses amandiers, desquels lui et son épouse Jacinta subsistaient. Il possédait quelques autres arpents de terre, de-ci de-là, tous arrachés à la rudesse du massif et tous exigeant un seul paiement : l’érosion du corps. Ce morceau, cependant, demeurait son préféré. Ici, les oliviers centenaires, biscornus et aux moignons de lépreux, cohabitaient avec les amandiers juvéniles à l’écorce tendue.

    Son attention se porta ensuite sur la parcelle dédiée au potager. L’arroser lui coûtait de puiser l’eau à une source capricieuse en été et peu généreuse le restant de l’année.

    L’entêtant chant des cigales l’accompagnait. Sororité diurne qui à la nuit tombée serait remplacée, comme pour une relève de la garde, par la fraternité des grillons. Les unes se supportaient et les autres s’écoutaient.

    À l’entame du dernier tiers de sa cigarette, Alfonso prit le temps de jeter un coup d’oeil à son mulet attaché à l’ombre salutaire d’un vieux caroubier. À cette distance, l’animal de robe grise ressemblait à un rat pansu affublé de hautes pattes rachitiques.

    Dernières bouffées avalées, il se frictionna les mains dans la camomille, les renifla puis se remit debout pour commencer à chasser. La fragrance se mêla à celle de la terre et du tabac. Selon lui, là se nichait le plus noble des parfums.

    Souvent revenait l’intense souvenir de sa courte épopée américaine, un temps où, plus jeune, il avait cru pouvoir s’y installer.

    America !

    Dans son bagage, il conservait précieusement un ballot de tissu cousu par sa mère et empli de fleurs de camomille. Découvrant le Nouveau Monde, il l’avait senti, à maintes reprises, comme si son désir de changement, quelques fois, ne s’était pas avéré assez fort pour se couper de ses liens à jamais.

    « Il avait fait l’Amérique ! » comme on disait par ici. Conquérant de peu et aspirant à tout, aussi exigeant que naïf, il l’avait faite !

    Il avait fait l’Amérique mais ne l’avait pas terminée. Les regrets s’amoncelaient et il lui arrivait de répéter, entre ses dents serrées à se les fêler, qu’il l’avait faite, lui, l’Amérique, qu’il l’avait faite ! Ce souvenir s’était mué en amulette pendouillant à son cou, un plastron contre lequel se cognaient les hargneuses petitesses du quotidien.

    Il se revoyait là-bas, dans le plus grouillant des tumultes, marchant sur un sol porteur de promesses fabuleuses pour qui se tuait à la tâche et piétinait cette terre à en devenir autre. Celui qui osait s’aventurer à lui soutirer sa sève, tantôt nectar tantôt poison, oubliait jusqu’à sa langue première, son prénom, son nom et son sang.

    Tout effacer pour devenir une part d’America !

    Sur les quais du port de San Francisco, il avait vidé les ventres des bateaux de leurs marchandises et supporté l’haleine des contremaîtres éructant contre sa nuque transpirante. Il avait vu, aussi, Ángel, Yerba Buena, Treasure, Alcatraz… Prononcer ce simple nom, Pacífico, provoquait toujours un trouble en lui.

    Afin de « s’immortaliser », Alfonso s’était offert un cliché chez un photographe. Vêtu d’un costume et coiffé d’un Fedora de chez Stetson loués pour l’occasion, il s’était persuadé d’être un peu moins étranger, un peu moins métèque, allant jusqu’à croire qu’il pouvait impunément téter la mamelle de cette contrée décrite comme la généreuse des généreuses. Cette image demeurait le seul témoignage de son séjour et chaque fois qu’il la regardait, il redécouvrait un homme aux yeux brûlants, ceux des pionniers et autres défricheurs, yeux qui exhortaient de « faire ce qu’il fallait ». Ardeur perdue, ces yeux-là ne brilleraient jamais plus ainsi.

  • Chaïm Helka présente Sarasqueta