Jean-Hugues Oppel, Noir Diamant
Thriller
308 pages
a paru le 6 mai 2021
ISBN 978-2-3588-7759-6
Jean-Hugues Oppel

Noir Diamant

Thriller
308 pages a paru le 6 mai 2021 ISBN 978-2-3588-7759-6
Thriller
308 pages a paru le 6 mai 2021 ISBN 978-2-3588-7759-6

Officier à la CIA, Lucy Chan a survécu à une explosion qui aurait dû lui être fatale. Comble de l’ironie, c’est l’agence qui l’emploie qui a décidé de cette frappe ciblée qui la condamnait. De quoi lui donner envie de passer pour morte et de disparaître. Mais il y a à la CIA une femme qui ne peut croire que Lucy soit une mortelle comme les autres. Son ancienne formatrice, Darby Owens, aujourd’hui sous-directrice à l’Agence, a bien l’intention de retrouver la jeune femme. Car un agent invisible, que tout le monde pense mort et qui ne figure plus dans aucun registre, peut parfois rendre des services inestimables. Justement, à la frontière franco-allemande, il faudrait aller voir ce qui se trame…
De manigances secrètes en combats explosifs, Jean-Hugues Oppel nous guide sur les traces de deux femmes qui jouent un jeu trouble sur l’échiquier des tractations internationales.

  • Jean-Hugues Oppel est l’un des grands noms du thriller politique français. Il est également auteur de romans noirs, romancier pour la jeunesse, scénariste… Son roman Six-Pack a été adapté au cinéma. Il a été le lauréat du grand prix de littérature policière et du prix Mystère de la critique.
    • Jean-Hugues Oppel, Total Labrador
    • Jean-Hugues Oppel, 19 500 dollars la tonne
  • Revue de presse
    Un thriller d’espionnage au féminin, haletant et passionnant.
    Le rythme est soutenu, le style percutant et riche, Jean-Hugues Oppel réinvente le roman d’espionnage moderne. 
  • téléchargez l’extrait

    « Seuls les morts ont vu la fin de la guerre. »

    Platon

    AVERTISSEMENT

    Dans le monde quantique, l’existence des univers parallèles est un postulat envisagé quoique controversé. Ainsi, dans l’univers où se situe le déroulement des pages suivantes, il est parfaitement plausible que le président américain battu aux élections n’ait jamais été malade puisque la maladie n’existe pas ; ceux et celles qui connaissent déjà Lucy Chan ne seront pas surpris de la (re)trouver là où elle se trouve ; les autres le seront sans doute, mais trouveront très vite des réponses à leurs interrogations et poursuivront leur lecture sans handicap.

    PLUS TARD

    … mais par-dessus tout je suis une licorne

    parce que la sous-directrice Darby Chelsea Owens

    a raison

    je ne m’appartiens plus

    je suis sortie malgré moi du monde réel

    j’en ai été enlevée arrachée extirpée pour devenir

    un mythe

    une chimère

    une légende

    je suis une légende

    je suis

    je suis

    je

    suis

    Lucy

    Rogue !

    KitDik666

    Quoi de neuf, gros !?

    L’impression que l’économie ultra-libérale te prend à la gorge ?

    Tu l’as dit, bouffi et les bouffies aussi !

    Alors suivez les messages avisés de votre nouvel ami Kit Dik deubeule oh sévene et vous serez sauvés… peut-être ?

    C’est touitté KD007, yo man !

    délire… délire images psychédéliques…

    je n’ai pas fumé… enfin je crois…

    non ça me revient… je… suis… Lucy… Rogue…

    ils me poursuivront

    me chasseront

    une traque…

    je dois devenir invisible.

    méffacermévaporerpfuiiit

    pfuiiit disparaître dispa…

    je n’ai plus mon couteau

    moncouteau

    j’ai une arme à feu mais je dois

    retrouver…

    mon couteau…

    je cogne

    griffe mords crache feule

    invincible…

    je suis une panthère

    une lionne une tigresse

    chimère légende je suis une…

    je suis… je suis Lucy Rogue…

    mais je crois que je n’ai pas envie d’être Lucy Rogue.

    UN PEU AVANT

    QUARTIER HAUPTSTRASSE

    FRANKENSTEIN

    ALLEMAGNE

    Lucy reposait au milieu du jardin.

    Elle ne voyait rien. Elle n’entendait rien. Elle savait qu’elle devrait bouger. Ne pas s’attarder. S’éterniser. Mais quelques instants de repos avant. Encore une minute monsieur le bourreau. Devenir une légende n’est pas donné à tout le monde ; cela mérite un minimum d’égards, non ?

    Elle bougera, pas d’inquiétude, elle en aura la volonté mais il y avait cette petite voix dans sa tête qui lui chuchotait murmurait parlait par bribes de tout autre chose que de fuir…

    j’ai dix ans

    peut-être douze

    voire moins que ça

    je saigne pour la première fois

    c’est un matin en me réveillant ça

    j’en suis sûre il y a du sang dans

    mon pantalon de pyjama la surprise

    mais je n’ai pas peur maman m’en a

    parlé ça fait un peu bizarre oui ça

    pouvait me faire peur si ma maman

    ne m’avait rien dit du tout du tout

    c’est pareil pour les garçons je ne sais pas

    je n’ai pas osé demander à mes frères j’aurais

    bien voulu savoir il paraît que ça se produit

    souvent le matin aussi chez eux le premier sperme

    dans le pyjama ou les draps pour ceux qui dorment

    tout nus je voudrais bien savoir je demanderais bien

    à quelqu’un un jour ou l’autre sans doute un autre

    et j’ai mal dans la poitrine ça va bientôt s’appeler

    des seins les tétons les nichons les nibards les obus

    l’obsession des mecs les nénés les lolos les doudounes

    les pare-chocs et du monde au balcon de ce côté-là les

    miens resteront de taille modeste le monde se serrera

    en loggia de toute façon qu’est-ce que j’y peux rien

    je n’ai jamais été jalouse des copines qui

    les avaient plus gros et en étaient fières

    certaines se moquaient de moi les œufs au

    plat les piqûres de moustique les gants de

    toilette et toi t’es tellement plate qu’on

    pourrait te faxer (ou comment trahir sa

    génération et de fait son âge à quelques

    années près) je les ai toutes entendues

    avant que ma poitrine elle finisse par

    se développer un peu pas trop mais un peu

    les hommes se comparent la verge les femmes la poitrine

    comme si cette dimension de leur anatomie était vitale

    à leur position sociale dans la chaîne alimentaire

    mes poils poussent aussi c’est la vie

    on en parlait entre filles à l’école et il y avait

    celles qui savaient et celles qui ne savaient pas

    on en parla encore plus au collège et plus tard au

    lycée on ne parle quasiment plus que de ça parce

    tout est là les seins les poils on peut lancer la

    compétition mais quand je dis on ne parle quasiment

    plus que de ça je devrais dire enfin presque parce

    qu’on se met surtout à parler des garçons et il y a

    celles qui l’ont déjà fait et celles pas encore mais

    c’est pour bientôt et celles qui jurent qu’elles se

    marieront vierges et moi qui me demande parfois si

    je ne préférais pas les filles alors j’ai essayé

    c’était à l’université elle s’appelait Tanya elle

    était blonde je m’en souviens et je me souviens

    aussi que ce serait ma seule et unique expérience

    saphique pas de honte pas de dégoût sans regrets

    c’était comme ça erreur d’aiguillage il me fallait

    seulement essayer pour être sûre vérifier quoi

    en fait on en parlait déjà avant des garçons

    mon premier amoureux avait cinq ans une

    très belle histoire d’amour elle a duré

    le temps d’une année scolaire on s’est

    embrassés sous le pont du chemin de fer

    derrière chez lui un soir en rentrant

    de l’école puis l’été est arrivé avec

    les vacances à suivre chacun de son

    côté fin de la belle histoire d’amour

    Lucy Chan sursaute et ouvre les yeux.

    Gémit.

    Mais qu’est-ce qu’il lui arrive ?

    Ces images en volutes qui se bousculent dans sa tête ?

    Pourquoi elle pense à ça là maintenant ?

    Ça…

    Là…

    Maintenant…

    Le sang !

    C’est ça, elle est blessée, elle saigne, c’est une hémorragie, ça fuit de partout, elle se vide, elle va mourir, elle saigne, bordel et par une singulière association d’idées…

    L’explosion.

    Donc la ou les blessures d’où le sang.

    L’effet de choc. L’effet de blast. Mais pas la mort.

    Alors oui prendre le temps de souffler…

    Cela s’améliore : les choses s’organisent un peu mieux dans son esprit. Ses pensées égarées mélangées brouillées retrouvent toutes leurs repères en bonnes places sur sa boussole cérébrale.

    Lucy aime bien cette image-là.

    Le déroulé de ses neurones est encore fragmentaire ; très dispersé. Mais de plus en plus cohérent dans son processus. Le flux va se rétablir au fur et à mesure de l’avancée inattendue du retour de ses souvenirs en cascade.

    Le sang ses premières règles.

    L’enfant devenue femme dans son corps selon la formule consacrée mais rien qu’une adolescente en devenir dans sa p’tite tête de môme minette minouchette pour encore quelque temps.

    Le cycle menstruel est en route. Un moment aussi important que troublant dans la vie d’une fille. Ou peut-être un traumatisme si, comme Lucy Chan, on n’a pas eu la chance de naître dans une famille d’esprit éclairé, ouvert sur les choses les plus intimes de la vie.

    Pudique quand même, la famille de Lucy Chan, mais pas pudibonde coincée en mode puritain dans le domaine du sexe. On décrit souvent les Asiatiques comme réservés à l’extrême, ce qui n’est pas toujours faux. Pas toujours vrai non plus. La vie serait tellement plus simple si les humains fonctionnaient ainsi, oui/non comme blanc/noir ou bon/mauvais. La manichéisme est une impasse, en toutes choses. Confucius l’a peut-être dit, mais ce n’est pas parce que Lucy est en partie d’origine chinoise qu’elle doit le confirmer. Le doit ou le peut. Pour en revenir à la soi-disant pudeur asiatique, on pensera aux éternelles estampes japonaises et à un art érotique chinois tout aussi raffiné avant de perpétuer des idées reçues péremptoires.

    Lucy Chan ne croit pas que l’on pensait à cela dans les salons de sa ville natale.

  • le diamant noir de Jean-Hugues Oppel