Benoît Séverac, Tuer le fils
RomanRoman policier
288 pages
a paru le 6 février 2020
ISBN 978-2-3588-7607-0
Benoît Séverac

Tuer le fils

RomanRoman policier
288 pages a paru le 6 février 2020 ISBN 978-2-3588-7607-0
RomanRoman policier
288 pages a paru le 6 février 2020 ISBN 978-2-3588-7607-0

Matthieu Fabas a tué parce qu’il voulait prouver qu’il était un homme. Un meurtre inutile, juste pour que son père arrête de le traiter comme un moins que rien. Verdict, 15 ans de prison. Le lendemain de sa libération, c’est le père de Matthieu qui est assassiné et le coupable semble tout désigné. Mais pourquoi Matthieu sacrifierait-il une nouvelle fois sa vie ? Pour l’inspecteur Cérisol chargé de l’enquête et pour ses hommes, cela ne colle pas. Reste à plonger dans l’histoire de ces deux hommes, père et fils, pour comprendre leur terrible relation.
Derrière cette intrigue policière qu’on ne lâche pas, ce nouveau roman de Benoît Séverac nous parle des sommes de courage et de défis, de renoncements et de non-dits qui unissent un père et un fils cherchant tous deux à savoir ce que c’est qu’être un homme.

  • Benoît Séverac, né en 1966, a grandi aux pieds des Pyrénées et est devenu toulousain à l’âge de 18 ans. Il s’est formé à la dégustation de vin en Alsace, est diplômé du Wine and Spirit Education Trust de Londres. Il publie à la fois des romans pour les adultes et de la littérature jeunesse.
    • Benoît Séverac, Le Bruit de nos pas perdus
    • Benoît Séverac, Ondes algériennes
    • Benoît Séverac, Le Tableau du peintre juif
    • Benoît Séverac, 115
  • Revue de presse
    Haletant, plein de rebondissements et servi par une écriture fluide, ce roman est d’une remarquable efficacité à même de séduire les amateurs d’enquêtes. Pourtant, l’intérêt de ce polar est ailleurs. Il réside dans l’analyse psychologique des personnages.
    Au-delà de la finesse de l’intrigue psychologique, c’est la justesse avec laquelle les personnages évoluent qui rendent ce roman noir si attachant.
    Benoît Séverac réussit un portrait d’un groupe de flics tout en finesse. C’est très bien vu, très bien raconté, leurs doutes, leurs petites bassesses, leur cheminement. Un très bon roman.
    Un polar psychologique remarquable, addictif et terriblement humain.
    Mêlant part d’humanité parfois lumineuse, tentative de rédemption grâce à l’écriture, et regard porté sur une douloureuse relation père-fils, Benoît Séverac donne un roman noir abouti qui sonne juste.
    Un texte fort sur la filiation. Une profondeur et une épaisseur impressionnantes. 
    Un polar exceptionnel qui explore les rouages de la relation père-fils avec un machiavélisme troublant. 
    Chez Séverac, la chaleur humaine alterne avec la noirceur, et l’humour – né des marottes des trois policiers – contraste avec la tragédie poignante de l’amour filial.
    Du talent, Séverac n’en manque pas, on le savait, mais dans ce Tuer le fils, il brille par la description d’une galerie de personnages pleins d’humanité, qui semblent si réels.
    Le meilleur polar depuis 1 an.
    C’est un livre profond et beau.
    Benoît Séverac transfigure le roman noir pour nous tendre un implacable miroir.
    Une histoire vibrante, une galerie de personnages auxquels on ne peut que s’attacher, une relation père-fils pleine de profondeur, un rythme sans faille et des petites touches d’humour : voici un polar qu’on dévore de la première à la dernière page et un auteur qu’il faudra suivre, c’est certain.
    Une histoire d’hommes, de failles, de révolte et de courage.
    Un roman singulier et passionant, vertigineuse mise en abyme qui ne laissera aucun lecteur indemne. 
    Benoît Séverac, dont le regard semble gagner en acuité de livre en livre, se penche sur les complexités de la relation père-fils propice à la confusion des sentiments, en évitant tout manichéisme.
    Benoît Séverac signe un livre à la fois classique et moderne, déconcertant !
    Un polar prenant et puissant. 
    J’ai adoré ces personnages hauts en couleurs. J’ai adoré les suivre et j’ai détesté les quitter en refermant ce livre.
    Chronique intégrale
  • Polar en trompe-l’œil aussi addictif que profond, Tuer le fils tente par la fiction d’apporter quelques éléments de réflexion sur ce que signifie être un homme aujourd’hui.
    À la fin de cette lecture dévorante, on constate une fois de plus qu’il est dommage de catégoriser la littérature. « Tuer le fils », s’il utilise les codes du polar est avant tout un livre. Un formidable beau livre.
    Tuer le fils, c’est une intrigue policière qui hante, une histoire d’hommes, de failles, de courage et de révolte.
    Plus qu’un polar classique; un texte très humain, sans jugement sur les relations compliquées entre les hommes. Beaucoup d’humour et d’émotions traversent ce roman. Bref, un livre à ne pas rater!
  • téléchargez l’extrait

    Matthieu Fabas venait de demander à parler à son avocat et le commandant Cérisol savait ce que cela signifiait : il l’avait ferré, il ne lui restait plus qu’à porter l’estocade.

    Solliciter un conseil juridique avait un seul but : retarder l’échéance. C’était une manière de reprendre son souffle, mais autant essayer de respirer sous l’eau. L’air ne viendrait pas. Au contraire, les poumons allaient se remplir de liquide et l’inspiration suivante entraînerait la noyade.

    Chez Cérisol, cet instant d’excitation fut immédiatement suivi d’une espèce de mélancolie, comme un blues post-coïtal.

    Il aurait dû exulter. Il avait lentement et méthodiquement accumulé les preuves contre Matthieu Fabas, il l’avait acculé, il allait à présent obtenir des aveux ; et si ceux-ci ne venaient pas, il avait assez d’éléments à charge pour transmettre son dossier à un magistrat qui prononcerait sa mise en détention provisoire.

    Mais la nature de Cérisol était ainsi faite qu’il n’arrivait pas à se réjouir de la victoire de son équipe. Voir Matthieu Fabas se débattre dans la nasse ne lui procurait aucune jouissance. Au fond, il n’était qu’un gamin ; un pauvre gosse maltraité, débordé par sa haine pour son père.

    Le scénario de son existence avait été monté à l’envers dès le départ. C’est le père qu’on aurait dû mettre derrière les barreaux quand Matthieu n’était encore qu’un enfant, avant qu’il soit trop tard pour tout le monde. Ça aurait évité à Matthieu de souffrir, à son père de mourir assassiné ; ça aurait fait gagner du temps à la police et aux tribunaux, économiser de l’argent au contribuable. Seulement voilà, il aurait fallu que quelqu’un ait le courage de signaler les agissements d’un voisin ou d’un ami à la police. Il aurait fallu se dire que ça tournerait vinaigre, un jour ou l’autre, et qu’il était encore temps de faire quelque chose.

    À chaque fois c’était pareil. Jean-Pierre Cérisol regrettait presque d’avoir eu raison. Pour un peu, il aurait dit « Désolé » à Matthieu Fabas.

    Celui-ci s’était recroquevillé sur sa chaise et retenait ses larmes. Il fixait rageusement le sol d’où dépassait l’anneau métallique auquel il était enchaîné. Au final, il ne serait pas resté dehors très longtemps. Après une semaine de liberté, il repartait en prison.

    Cérisol observa ses collègues. Nicodemo montrait des signes de lassitude. Le genre humain était décevant et il n’en n’était plus surpris. Il s’étonnait peut-être de continuer à en être affecté. Pourvu que cela dure, estimait-il ; tant qu’il aurait cette capacité à s’émouvoir, tout n’était pas fichu.

    Grospierres, lui, semblait dubitatif. Il avait espéré que l’enquête fût bouclée rapidement, et maintenant qu’elle l’était, elle lui laissait un goût amer dans la bouche. Une impression d’inachevé, ou de temps qui file trop vite. Il se sentait moins léger tout à coup, comme s’il venait de prendre conscience que chaque cas résolu au cours de sa carrière lui ôterait un peu plus de son innocence.

    Il y avait des prévenus pour lesquels le commandant Cérisol ressentait du mépris ou de l’inconfort, parfois de la colère ; Matthieu Fabas n’entrait pas dans cette catégorie.

    Difficile d’expliquer pourquoi. Peut-être à cause de la résignation que Cérisol lisait sur son visage. Les causes et les conséquences de ses tribulations sur cette terre lui échappaient ; il n’en avait ni le contrôle ni la jouissance, alors à quoi bon se plaindre des désagréments ? Il n’était que le rouage d’une mécanique actionnée par d’autres, dont son père, lui-même broyé par elle.

    Parfois, flic et criminel avaient en commun leur solitude et leurs désillusions, mais leurs destinées les séparaient et il fallait bien que le premier confonde le second, coûte que coûte. Cérisol ne partageait pas le sort de Matthieu Fabas, mais ce soir, il se sentait comme un acteur accablé au moment du clap de fin.

    - Voulez-vous un café ? demanda-t-il à Matthieu Fabas.

    Celui-ci fit non de la tête.

    - Un verre d’eau, par contre, je veux bien.

    Il était courtois. Il n’avait pas dit « s’il vous plaît » mais le ton y était. Il en voulait au sort, à son père et peut-être à lui-même, mais pas aux policiers. Cérisol ne pourrait même pas s’appuyer sur l’animosité du jeune homme pour se débarrasser des scories de cette affaire.

    Il préférait de loin les prévenus repoussoirs, ceux qui vous insultent, crachent au sol ou même urinent contre votre bureau pour vous montrer ce qu’ils pensent de la police et de la justice… Ceux-là, deux ou trois verres de vin suffisaient à les oublier.

    Matthieu Fabas serait plus difficile à ranger parmi les affaires classées.

    Grospierres sortit du bureau. Il revint avec un gobelet d’eau fraîche.

    Matthieu Fabas le but d’une traite et Grospierres retourna à la fontaine à eau.

    Le téléphone sonna. Cérisol décrocha, laissa parler son interlocuteur et lâcha « On arrive », avant de raccrocher.

    - L’avocat est là, dit-il en faisant un signe de tête à Nicodemo.

    Plan Vigipirate oblige, on devait aller chercher les visiteurs dans le hall d’entrée.

    Nicodemo se leva en soupirant. Il était le doyen du groupe et c’était systématiquement lui qui descendait au rez-de-chaussée. Pourtant, depuis l’arrivée du jeunot dans le groupe, il aurait été logique que ce soit à Grospierres qu’on demande de cavaler dans les couloirs de la PJ.

    Quelques minutes plus tard, il s’effaçait pour laisser entrer l’avocat. On commençait à être serré dans ce bureau prévu pour deux. Une fois passées les formulations de rigueur, dont, notamment, la notification du motif de la garde à vue, l’avocat regarda son client avec commisération. Un peu trop, au goût de Cérisol qui n’appréciait guère que la défense surjoue son propre rôle… Une des raisons qui lui avait fait préférer la police à la justice au moment d’embrasser une carrière ; ça, et le fait qu’il aurait fallu faire des études aussi longues que supérieures pour rejoindre la magistrature.

    - Vous l’avez entravé ? Etait-ce vraiment utile ? demanda-t-il.

    Le chef de groupe désigna la fenêtre d’un mouvement de tête. Le bâtiment datait du 19e siècle, il était dans son jus, rien n’était aux normes.

    - Vous seriez le premier à nous reprocher de ne pas l’avoir fait s’il lui prenait l’envie de sauter par la fenêtre.

    L’avocat ne le contredit pas.

    - Je souhaite avoir un peu de temps pour prendre connaissance du dossier.

    Cérisol, qui s’attendait à cette requête, lui tendit le procès-verbal qu’il avait imprimé à son intention. L’avocat s’en saisit sans se donner la peine de le remercier.

    Le policier soupira. « Ça y est, pensa-t-il, le clown est entré en piste, le cirque peut commencer ! » Le manque d’originalité, le ballet réglé comme du papier à musique… Toute cette perte de temps sans surprise le fatiguait.

    - Il va être inculpé pour meurtre, qu’il passe aux aveux ou pas.

    - Je ne suis pas là pour m’entretenir avec vous, mais avec mon client, dit-il. Donc, si vous pouviez nous laisser seuls à présent.

    - Bien sûr.

    Coup de menton en direction de Grospierres.

    • Tu les accompagnes en cellule, s’il te plait ?

    Une règle tacite veut qu’on ne laisse jamais un civil seul dans un bureau de la brigade. Dossiers en cours, armes… Il y a trop de choses sensibles. Les entretiens entre gardés à vue et avocats se font donc au sous-sol. Grospierres détacha Matthieu Fabas et l’entraina dans le couloir.

    Ses collègues sortirent du bureau et eurent ensemble le réflexe de se diriger vers la machine à café.

    - C’est ma tournée, annonça Nicodemo.

    N’en déplaise à l’avocat, le commandant Cérisol avait raison ; Matthieu Fabas serait déferré dans la soirée, au pire le lendemain. Sa marge de manœuvre était étroite : faire valoir des circonstances atténuantes ou, avec un peu de toupet, tenter de jouer la carte de la légitime défense.

    D’une manière ou d’une autre, le travail des policiers était quasiment terminé, et couronné de succès. Déjà, leurs collègues des autres groupes de la brigade criminelle, en apprenant que leur gardé à vue avait demandé à être assisté d’un baveux, les félicitaient en les croisant dans le couloir.

    Cérisol faisait une grimace en guise de remerciements ; il ne se détendrait que lorsqu’il aurait des aveux signés de la main de Fabas, mais il était confiant.

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