Georges Brenier & Adrien Cadorel, L’inconnue de l’A10
True crime
204 pages
a paru le 22 octobre 2020
ISBN 978-2-3588-7649-0
Georges Brenier & Adrien Cadorel

L’inconnue de l’A10

L’enquête
True crime
204 pages a paru le 22 octobre 2020 ISBN 978-2-3588-7649-0
True crime
204 pages a paru le 22 octobre 2020 ISBN 978-2-3588-7649-0

Le 11 août 1987, le corps martyrisé d’une fillette est retrouvé en bordure de l’autoroute A10, dans le Loir-et-Cher. Enterrée dans le cimetière de la commune de Suèvres, l’enfant sans nom et sans famille restera pendant plus de 30 ans une énigme. Mais cette affaire hante plus d’un enquêteur. Surveillance ininterrompue du cimetière, réouverture du dossier dès lors que les progrès de la police scientifique donnent un nouvel espoir… L’anonyme ne sera jamais oubliée, jusqu’à la résolution de cette affaire hors-normes. Journalistes, Georges Brenier (TF1) et Adrien Cadorel (M6) reviennent sur le plus vieux des cold case français et racontent l’histoire d’une enquête acharnée qui chercha à punir la barbarie.

  • Spécialiste des affaires policières et des questions de justice. Georges Brenier est journaliste à TF1, où il couvre l’actualité policière et judiciare depuis 2015.
    Spécialiste des affaires policières et des questions de justice. Adrien Cadorel est reporter du groupe M6.
  • Revue de presse
    Un livre d’enquête très bien fourni sur un crime abject, en passe d’être jugé près de 35 ans après les faits.
    Une histoire humaine avant tout.
    Un livre sur l’enquête.
    L’un des plus célèbres cold cases français.
  • téléchargez l’extrait

    Ce mardi 11 août 1987 a un parfum d’été. Il a la senteur des vacances tant attendues, celle du soleil qui brille et chauffe la peau sans relâche, à peine gêné par quelques nuages. Dans l’air, on pourrait presque sentir l’odeur des cornets de glaces à la framboise ou au citron que l’on mangera bientôt sur les plages de sable fin. L’air iodé, le farniente et les apéritifs en terrasse en famille et entre amis ne sont plus très loin maintenant. La Vendée, bientôt, puis la Gironde et les Landes se profilent déjà à l’horizon.

    Sur la route, les automobilistes fraîchement en congé avalent les kilomètres de bitume. Les coffres des voitures sont remplis de valises, les enfants se chamaillent sur la banquette arrière, trop heureux de profiter d’une nouvelle semaine loin de l’école. Sur leur autoradio, leurs parents écoutent les nouvelles du jour: les avions de chasse libyens du colonel Kadhafi ont bombardé son rival tchadien, l’identité inconnue de l’heureux gagnant de 17 millions 12 L’inconnue de l’A10 de francs au Loto dans un bar-tabac d’Égreville en Seineet-Marne suscite tous les fantasmes, la discrimination raciale est officiellement abolie dans les mines d’Afrique du Sud, et le gouvernement de Jacques Chirac annonce la création de 13000 nouvelles places de prison pour éviter toute surpopulation carcérale. Sans radars automatiques, le temps passe vite sur la route.

    Cette journée de chassé-croisé et de veille d’Assomption revêt un air d’insouciance. Les vacanciers fredonnent les tubes du Top 50. Joe le taxi traverse Paris la nuit au son de la rumba. Madonna tombe amoureuse dans la chaleur tropicale de son Isla Bonita, pendant que David et Jonathan, eux, chantent langoureusement l’amour en italien, leur piano à queue les pieds posés dans le bleu azur de la Méditerranée.

    Savaient-ils ce 11 août 1987 que leur vie changerait à jamais? Au volant de leur Citroën C15, Romain Parent et Frédéric Laujon se disent sûrement que ce mardi est un jour de travail comme les autres. Presque banal. Le salarié de la société Cofiroute et son jeune stagiaire de 21 ans doivent débroussailler, tailler l’herbe qui ne cesse de pousser sous les glissières de sécurité de l’autoroute A10. Direction le point kilométrique 135, dans le sens Paris-Province, à hauteur de Suèvres, dans le Loir-et-Cher. L’ancienne ville fortifiée, ses trois églises, ses ruines romaines et sa quinzaine de moulins à eau comptent bien en ce mois 13 L’inconnue de l’A10 d’août attirer les touristes venus en masse visiter les grandioses châteaux de la Loire.

    Il est 15 heures. La mission n’est pas des plus agréables pour les deux hommes. Le thermomètre n’affiche certes que 25 degrés et les nuages leur permettent de ne pas souffrir du soleil. Mais le bruit des moteurs et le roulement des pneus sur le bitume est assourdissant. Le dangereux défilé incessant des voitures lancées à plus de 100 km/h empêche tout relâchement. Leur journée de travail doit se terminer à 20h30.

    Les deux hommes s’affairent à la tâche, chacun de son côté. Le jeune Laujon coupe l’herbe depuis ce qu’il estime être une quinzaine de minutes seulement quand il aperçoit derrière la barrière de sécurité, à une dizaine de mètres de lui, une forme bleu clair. Peut-être un objet posé sur l’herbe, sans doute jeté par un énième automobiliste depuis sa fenêtre ouverte. C’est une couverture en laine, « paraissant correctement roulée » décrira plus tard l’apprenti.

    Il s’en approche et aperçoit aux extrémités deux petits pieds et des cheveux bruns et bouclés. L’apprenti est effrayé, il lâche d’un coup ses outils et parcourt en courant les deux cents mètres qui le séparent de son patron. « Il y a un gamin qui est mort sous une couverture », lui lâche d’un coup le stagiaire. Romain Parent, son supérieur, interloqué, lui demande s’il n’a pas rêvé. Mais le stagiaire répète, L’inconnue de l’A10 insiste : « C’est pas une poupée, j’ai vu les pieds, la tête et les cheveux. »

    Les deux hommes foncent vers l’habitacle de leur véhicule et appellent sans attendre le centre Cofiroute de Blois qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de là. Il est 15h18. À l’autre bout des ondes de leur transmetteur, Bernard Coral, le chef du district, sait que chaque seconde compte dans ce type de situations. À son tour, il alerte immédiatement les gendarmes.

    Le hasard permettra de gagner un peu de temps. La communication est à peine terminée qu’une estafette sérigraphiée de la gendarmerie s’approche justement du kilomètre 135. Les quatre militaires, qui roulaient eux aussi dans le sens Paris-Province, ont aperçu les deux employés leur faisant de grands signes. « Sûrement un nouvel accident de la route » se disent-ils au moment de descendre de leur véhicule.