Margot D. Marguerite
Autobiographie :
Naissance à Pavillons-sous-Bois le 31 octobre 1953.
Sa mère le met au monde en 1953, dans une maternité de Pavillons-sous-Bois. Elle est de Paris, son père de Martinique. Ils habitent au second étage du 2, rue du Sabot, en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés. La famille de sa mère vit dans cet immeuble depuis plusieurs générations, ce qui fait qu’ils sont les mieux logés. L’appartement fait trente-trois mètres carrés, pour cinq, c’est bien. À la maison ça va, mais dehors Margot D. Marguerite ne sait pas ce qu’ils ont contre les Noirs et les Blancs qui se marient et ont des enfants métis, mais les gens sont vraiment vaches. La perte de l’Algérie, la branlée de Diên Biên Phu, d’avoir acclamé Pétain et ciré les pompes des nazis, un peut de tout cela peut-être qui leur tombe dessus hors des trente-trois mètres carrés.
Il doit avoir sept ou huit ans. Il revient de l’école de la rue Saint-Benoît. Au Deux magots, il traverse le boulevard et arrivé sur les grilles devant le Monoprix de la rue de Rennes, un homme en costume l’attrape par les cheveux, le jette au sol et le frappe à coups de pied, en s’accompagnant de ce poème français qu’il apprendra par cœur : « Sale bougnoule, retourne dans ton pays. Vous nous faites chier, on est en France ici, merde. » C’était la première agression raciste dont Margot D. Marguerite est victime. Il s’en souvient comme d’hier tellement il a eu la frousse. Et mal. Il a pissé dans son short et il a fallu qu’il continue comme cela son chemin. Quelle honte, quelle humiliation et ce sentiment que n’importe qui d’un instant à l’autre pouvait avoir envie de le tuer. Une semaine plus tard, de retour à l’école, il refuse les tortures scolaires et les gifles des instituteurs qui détestent, eux aussi, les basanés. On l’envoie chez le psychologue. Il le trouve agressif. Il fait bien de ne pas le lui dire, sinon il lui prouverait qu’il a raison.
Margot D Marguerite fait ses études de psychologie dans une université fantastique, située en plein bois de Vincennes, où l’on apprend à réfléchir et à penser par soi-même. Il a alors Stanislaw Tomkiewicz comme professeur.
Il comprend vite que psychologue dans une institution psychiatrique qui s’occupe de la tranquillité de la société bien plus que la souffrance des gens, n’est pas un travail pour lui. Comme il faut bien manger et qu’il a à nourrir ses jumeaux qui viennent de naître, il fait infirmier psy. Comme cela il n’a qu’à obéir. Et puis il aime bien les fous.
À trente ans, il en a sa claque d’être payé des clopinettes, de se faire engueuler pour un oui ou pour un non par des surveillants psychorigides et des psychiatres sadiques, marre de toutes les horreurs qu’il doit faire, dont il est le témoin.
Ras-le-bol d’attendre que la société change. Il décide de devenir vedette de cinéma, un job moins crevant et mieux payé. Il fait les cafés branchés, les restos chers et quand il entend des comédiens brailler, il va les voir et demande à être embauché. Ça ne marche pas tout de suite. Il doit insister. Puis un jour, il se retrouve sur scène et ça lui plait, et il n’arrête plus durant vingt ans. Il expérimente tout ou presque : le théâtre d’avant-garde, celui d’arrière-garde, les auteurs contemporains, les classiques, le boulevard, le cinéma, les séries télé… Il joue dans la rue, il est Bibite, le clown de tôle du cirque Archaos où il se fait traîner par une moto, foutre des coups de barre de fer sur la tête, où il avale des poissons, pour le plaisir sans prix de faire rire les gens, il dort dans des hôtels minables, des palaces, en roulotte, crevé de chaud, de froid, de rire, jamais de faim, ni de soif. Il joue dans presque toute l’Europe, jusqu’en Russie, dans des cabarets à Berlin. Il crée le Cabaret Sauvage à Paris où il chante, danse, et présente le spectacle en tant que Marquis de Sauvage. Il réalise un film, des documentaires. Il s’amuse vraiment bien. Les applaudissements du public, les sunlights, les flashes qui crépitent, les gens qui te reconnaissent dans la rue, c’est vraiment agréable. Un beau jour, il part vivre à la campagne, au calme et se met à écrire des histoires de petites gens emplis d’amour et de fraternité. De petites gens qui non seulement ne se soumettent pas, mais sont déjà passés à l’attaque.